3 raisons qui expliquent l’échec des sites d’achats groupés
Il y a 4 ans il était écrit sur ce même site que le mobile restait l’une des dernières opportunités aux sites d’achats groupés de trouver un second souffle. A l’époque, Groupon et Living Social multipliaient déjà les déconvenues. Avec le tout récent rachat du second par le premier, Groupon qui concède une nouvelle perte sèche de 35,8 millions de dollars au troisième trimestre, tente un dernier baroud d’honneur. Mais ce secteur était-il vraiment apte à survivre ?
Un consommateur passif
- Lorsqu’il vend sa première pizza à moitié prix en 2008, Groupon n’invente pas l’achat groupé. Le web se fait l’écho depuis longtemps d’offres similaires. C’est finalement le million de dollars d’Eric Lefkofsky, ancien employeur du fondateur, qui fait décoller la marque. Aux heures de gloire des sites d’achats groupés, le consommateur reste ainsi un lien passif entre la marque et le commerçant. Un maillon en bout de chaîne que le « daily deal » doit maintenir en alerte. Si la lassitude et les polémiques ont fini par détourner l’internaute, il faut également voir dans l’émergence des réseaux sociaux l’une des raisons de cette perte d’influence. Dès le début des années 2010, « dire », « choisir » et « exiger » » deviennent des réflexes que le web vient offrir à des millions d’internautes. Cette multiplication des communications bouleverse les comportements à grande échelle et vient repenser les modes de production. L’économie collaborative prend forme. De cette première « ère de la prise de la parole », naîtront des Uber et des Airbnb dont la mécanique immuable repose sur l’action, supposée ou imaginaire, de l’internaute. Contributeur un jour et bénéficiaire le lendemain, le nouveau citoyen du web vient ainsi grignoter le business des intermédiaires. La quête de sens et les algorithmes de personnalisation entameront considérablement la belle idée d’Andrew Mason.
Un modèle économique destructeur
- C’est au fond peut-être la seule question qui compte. L’achat groupé est-il vraiment un modèle économique rentable ? En prélevant au moins 20% du prix des produits vendus sur son portail, Groupon s’est vu contraint de ne dealer qu’avec des partenaires réalisant des marges confortables. Au moins 75%. Si la promesse d’une vente massive a pu, un temps, susciter l’intérêt, elle s’est souvent transformée en boulet pour des commerçants incapables de répondre à la demande ou servant, à perte, des consommateurs boulimiques. En tronquant ainsi l’expérience, d’un bout à l’autre de la chaîne, les sites d’achats groupés ont littéralement fait imploser leur propre modèle qui devait, au pire, ne rien coûter, au mieux, fidéliser de futurs acheteurs.
Une technologie immature
- Lorsque Groupon croque le réseau social géolocalisé Pelago en 2011, il vient à peine de lancer son application mobile. A l’époque, 86% des foyers français sont équipés d’un mobile. L’Iphone 4 est un marqueur social. On parle de « solocal » comme d’une lame de fond qui va bouleverser les usages du consommateur en mouvement. La mobilité prend du sens, certes, mais elle prendra surtout du temps. Avec sa stratégie de rachat intensif (Mertado, Ticket Monste, GlassMap …), la plateforme veut géolocaliser les « bonnes affaires » et offrir de nouveaux services aux commerçants. En tentant d’anticiper les usages, Groupon oublie l’immaturité de ses principales cibles. Le commerçant passablement refroidi par le géant américain, ne passera jamais le capte. Le mobinaute, contrarié par la monétisation de ses données personnelles, n’adopte pas encore les bons réflexes. L’offre ne rencontre pas la demande et le géo-shopping qui devait renouveler l’expérience d’achat ne prend tout simplement pas. Les réseaux sociaux, encore eux, finissant, au fil du temps, par concentrer l’essentiel des besoins identifiés à l’époque (Présence, ciblage, mobilité).
Trop gourmand en marge, trop gourmand en cash (11.000 salariés en 2013) et incapable de créer une valeur ajoutée pérenne, les sites d’achats groupés ont longtemps bénéficié d’une surévaluation que Pierre Antoine Granjon analysait dès 2011 par ses mots :
« Groupon c’est typiquement le modèle américain où vous créez des grands géants aux pieds d’argiles qui n’ont pas de rentabilité … mais après de temps en temps il y a des petites bulles qui font que ces géants disparaissent. Je ne souhaite pas du tout ça à Groupon mais parfois je me dis qu’il y a des choses que je ne comprends pas très bien »